Quand on arrive en ville...

Quand on arrive en ville...

Après avoir suivi le long chemin de terre qu'ils avaient emprunté en sortant de Bourg-Palette, Upa et Caninos arrivèrent finalement en vue d'une ville. En vérité, ce n'était pas la première fois qu'ils en voyaient une. Cependant, jamais les deux compères ne s'étaient résolus à y pénétrer. Lorsqu'ils avaient rencontré le professeur Chen, cela s'était déroulé aux abords de Bourg-Palette. Ainsi, jamais au cours de leur existence le dresseur et le Pokemon n'avaient mis les pieds dans une bourgade. Mais comme on dit, il y a une première fois à tout. C'est donc d'un pas léger qu'ils entrèrent dans Jadielle, curieux de savoir ce qui les attendait, tandis que le Soleil était levé depuis à peu près trois heures.

Lorsqu'ils furent à l'intérieur de la ville, la surprise fut vraiment de taille. Tout autour d'eux, les gens allaient et venaient, sans se soucier de ce qui les côtoyait. Ce constat ne fut absolument pas au goût d'Upa. Chez lui, les villageois se connaissaient tous, et ne perdaient jamais une occasion de converser. Les rires et la bonne humeur étaient toujours au rendez-vous, alors qu'ici, tout semblait radicalement différent. Le dresseur tenta de se concentrer sur un sens à la fois, pour réussir à capter chaque détail qui l'entourait. Ses yeux furent les premiers à entrer en jeu.

Tout autour de lui, de grands bâtiments – que le jeune homme suspectait d'être des habitations – s'élevaient, arborant des couleurs ternes. Quelle pouvait bien être la matière utilisée pour fabriquer de tels abris ? Upa l'ignorait. Quoi que ce fut, ce n'était clairement pas naturel. Il passa délicatement sa main droite le long du mur de l'une de ces bâtisses, et remarqua la dureté de cette cloison. Au moins, face aux intempéries, quel que soit l'élément utilisé pour fabriquer ces structures, il permettrait de tenir le coup dans la plupart des situations. En revanche, un point intriguait l'adolescent. Comment les gens faisaient-ils pour entrer là-dedans ? Tandis qu'il s'interrogeait à ce sujet, et commençait à faire le tour de l'infrastructure pour découvrir la réponse à ce mystère, une étrange sensation s'empara de lui, au niveau de son avant-bras. Instinctivement, Upa porta son regard vers son membre antérieur pour déceler ce qui le dérangeait. Quelle ne fut pas sa surprise de voir une main posée non loin de son poignet ! Relevant la tête pour suivre le prolongement de cette main, vers le bras, puis le visage du ou de la propriétaire de ce corps, le garçon croisa le regard d'une femme à l'expression indéchiffrable.

" Dîtes-moi donc, jeune homme, ce que vous essayiez de faire avant que je ne vous remarque. Seriez-vous un voleur qui tâte le terrain avant de se faufiler durant la nuit chez de braves civils ? Ou bien une sorte de pervers qui traque sa proie en épiant ses faits et gestes jusque chez elle ? "

Upa ne comprenait rien. Lançant un regard implorant à Caninos pour qu'il le sorte de cette situation d'une manière ou d'une autre, il comprit rapidement que son compagnon n'était pas bien plus avancé que lui. Cette femme semblait l'accuser de quelque chose, mais il ne saisissait pas le sens de telles propos. En quoi s'instruire au sujet du mode de vie des habitants de ce monde civilisé faisait-il de lui un voleur ou un pervers ? D'ailleurs, qu'était-ce donc qu'un pervers au juste ? Décidément, les êtres humains employaient un langage étrange. Malheureusement pour Upa, la femme ne paraissait guère en avoir fini avec lui.

" Dois-je prendre votre silence comme un aveu de votre larcin ? Sachez que je suis l'agent Jenny, membre des forces de police de Jadielle. Votre refus de coopérer pourrait vous porter atteinte. "

Cette fois-ci, c'était clair. Le jeune homme avait attiré les foudres de cet agent de police – mais qu'était-ce donc que cela ? - suite à un malentendu dont il ne comprenait pas l'origine. En revanche, il avait bien assimilé le fait que rester silencieux lui causerait encore plus de soucis. Aussi décida-t-il de prendre la parole à son tour.

" Pardonnez-moi si mes actes ont paru suspects, madame. Je viens d'une contrée lointaine où la civilisation n'est pas telle que vous la connaissez. Lorsque vous êtes arrivée, j'étais simplement en train d'essayer de découvrir l'utilité de ces grandes bâtisses fondées dans une matière que je ne parviens pas à identifier. "

Le regard que lui lança l'officier à ce moment-là fut un mélange de méfiance et de compréhension, ce qui donna un air assez étrange. La femme resta silencieuse pendant quelques secondes, avant de lâcher un bref soupir et de faire part de son verdict quant à ce qu'elle souhaitait réserver à l'étranger.

" Très bien, ça ira pour cette fois. Mais je vous demanderai de faire attention à vos actes tant que vous serez dans l'enceinte de cette ville. je ne pourrai pas être clémente à chaque fois. "

Upa la remercia, et s'apprêtait à s'en aller quand la voix de l'agent Jenny le rattrapa. Cette dernière lui expliqua tout simplement en quoi étaient faites les bâtisses qui les entouraient. Fort de ces nouvelles informations, le jeune homme remercia de nouveau son interlocutrice avant de partir pour de bon, dans le but de visiter Jadielle. Ses pas le conduisirent rapidement vers un grand bâtiment qui différait vraiment des autres structures. Son toit était rouge, et un grand "P" attirait l'oeil des gens. Curieux, Upa entra.

******

" Bienvenue au Centre Pokemon de Jadielle. Que puis-je faire pour vous ? "

L'adolescent fut surpris par cet accueil. Il venait à peine de pénétrer dans l'édifice qu'on l'abordait chaleureusement. Son interlocutrice était debout derrière un grand comptoir. Elle portait une robe blanche et un étrange chapeau de même couleur. Ses cheveux arboraient une couleur que le garçon eut du mal à définir. Mais le plus surprenant demeurait le Pokemon qui la côtoyait. Gros, rose, avec un oeuf. Difficile de faire plus clair sans informations. Cependant, Upa savait qu'il possédait un moyen de se renseigner. mais il ne l'utiliserait pas tout de suite. D'abord, il fallait qu'il réponde à la question de la dame.

" Excusez-moi, mais vous avez bien dit que nous sommes dans un Centre Pokemon ? Qu'est-ce donc que cela ? "

Encore une fois, le jeune homme comprit que sa question avait étonné son interlocutrice. D'abord l'agent Jenny, et maintenant cette infirmière. Tout cela devenait assez irritant, mais le garçon ne préférait pas argumenter sur ce sujet. Qu'importait puisqu'il allait avoir la réponse d'ici peu de temps ?

" Je dois avouer que votre question m'a surprise. Mais en y réfléchissant, et en vous regardant, on peut comprendre que vous n'êtes pas d'ici. Pour vous expliquer, un Centre Pokemon est un lieu convivial où les dresseurs viennent faire soigner leurs compagnons. Non seulement quand le Pokemon est blessé, mais aussi quand il est fatigué, ou tout simplement pour être certain qu'il soit en pleine forme dans l'optique de reprendre l'aventure avec de bonnes bases. Quant à moi, je suis l'infirmière Joelle, et voici Leveinard. Comprenez-vous ? "

Upa acquiesça. Tout était parfaitement limpide dans son esprit. Une pensée ayant germé dans son esprit, le jeune homme demanda à la guérisseuse si elle pouvait offrir un lieu de repos pour Caninos. Ce dernier, comprenant bien de quoi les deux humains parlaient, suivit Leveinard qui lui montra le chemin jusqu'à un coin douillet. Pendant ce temps, le dresseur discutait avec son interlocutrice au sujet des soins à apporter au quotidien à son frère canin, quand soudain entrèrent en trombe deux enfants dans le Centre. Il s'agissait d'un duo assez atypique, du fait qu'ils portaient tous deux les mêmes vêtements, avaient les mêmes traits, tandis que le timbre de leur voix paniquée ne présentait aucune distinction entre eux. Seule la chevelure permettait de les différencier, du fait que le premier avait une pilosité très peu présente sur son crâne, alors que l'autre arborait une longue crinière blonde. Ces jumeaux se tenaient de part et d'autre d'un Pokemon, tentant de le soutenir avec difficulté. L'enfant à la forte présence capillaire – certainement une fille – commença à parler d'une voix hachée mais néanmoins claire et implorante.

" Infirmière Joelle, s'il vous plaît, aidez notre Rattatac ! Je vous en prie ! "

Tandis que la guérisseuse se précipitait vers le rongeur pour débarrasser les jeunes de leur fardeau, Upa décida d'en faire de même, et vint porter le Pokemon par un bras, tandis que la femme prenait l'autre côté. Ensemble, ils parvinrent à mener le blessé vers une civière qu'apportait Leveinard, revenu du chevet de Caninos. Suite à cela, l'affaire ne concernait plus l'adolescent qui alla s'asseoir sur un banc, rapidement rejoint par les deux enfants. Leur expression montrait qu'ils se faisaient beaucoup de souci pour Rattatac. Bien que la situation était loin d'être joyeuse, Upa ressentit un peu de fierté pour ces petits êtres qui savaient bien mieux traiter leur Pokemon que bien des adultes sans scrupules. Il décida de tenter de leur offrir du réconfort. Choisissant bien ses mots, le jeune homme leur adressa un sourire amical.

" Ne vous en faites pas. L'infirmière Joelle est certainement très compétente. Votre ami sera sur pieds très prochainement. "

Que pouvait-il dire de plus ? Sans doute rien. Cependant, ses propos semblèrent atteindre leur cible, puisque quelques instants après les avoir prononcés, Upa entendit la petite fille lui demander dans un murmure s'il en était certain. Sa réponse fut dénuée de mots, mais suffit à remonter le moral des enfants. Un sourire, un acquiescement. Peu en apparence, énormément en réalité. Dans le silence qui suivit, les jumeaux virent s'asseoir de part et d'autre de leur aîné, et se collèrent contre lui. Upa étendit ses bras pour serrer doucement ses actuels protégés. Tous trois restèrent ainsi, immobiles, tandis que le calme régnait et que l'attente se prolongeait. Finalement, après deux heures sans la moindre information, la porte de la salle d'opération s'ouvrit, dévoilant l'infirmière Joelle, dont le visage irradiait de bonne humeur et dissimulant partiellement la fatigue qui l'habitait. Son annonce ne se fit pas attendre.

" Votre Rattatac va s'en sortir. Ses jours ne sont pas comptés. Quant à ses pattes, elles seront en parfait état après une bonne nuit de repos. "

Les enfants, qui s'étaient levés d'un bond à l'arrivée de la guérisseuse, sautèrent de joie en entendant le verdict. Cependant, l'infirmière ne leur laissa pas trop de temps pour se réjouir, car elle reprit rapidement la parole de sa voix douce, qui révélait toutefois tout le sérieux de l'affaire.

" J'aimerais tout de même comprendre comment votre Pokemon s'est retrouvé dans un tel état. Ses pattes ne lui permettaient plus de marcher seul. Or, pour en arriver à cela, il faut que la situation soit très particulière ! Que s'est-il passé ? "

Les jumeaux se regardèrent, comme s'ils se concertaient pour savoir qui allait répondre. Ce fut cette fois-ci le petit garçon qui se manifesta, sur un ton morne.

" Nous jouions à l'entrée du village, du côté de la forêt de Jade quand nous avons vu quelque chose qui rampait non loin de là en poussant des cris plaintifs. C'était Rattatac. Il était allé dans la forêt, comme ça lui arrive très souvent. nous le laissons faire, parce que nous savons qu'il aime ça. D'habitude, il rentre en pleine forme. Nous ne savons pas ce qui s'est passé... "

Suite à ces propos, un nouveau silence s'installa, mais fut très rapidement rompu par la femme médecin qui ordonna de sa voix douce aux enfants de rentrer chez eux se reposer. D'abord réticents, ils finirent par capituler et se dirigèrent vers la sortie du Centre lorsque la petite fille interpella Upa.

" Et toi ? Où vas-tu dormir ? Tu n'es pas du coin, alors tu ne dois pas savoir où te loger. Je me trompe ? "

L'adolescent fut étonné par de tels propos venant d'une si jeune enfant. Il se contenta cependant de répondre que ce n'était pas vrai, car il possédait sa tente. Mais les jumeaux s'unirent pour le faire plier à leur exigence. Finalement, Upa accepta leur demande. Il dormirait chez eux. Le trio s'en alla donc, accompagné d'un Caninos revigoré, en direction de la maison des enfants. Le voyageur venu d'une autre contrée se questionnait cependant sur la manière dont réagiraient leurs parents...

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